Joseph-Nicéphore Niépce. Heliogravure de Dujard |
L’invention de l’héliogravure commence vers les années 1820 avec les recherches de Joseph-Nicéphore Niépce (1765-1833) autour la photo-sensibilité du bitume de Judée dont une de ses premières utilisations fut la reproduction de gravures au burin. Ainsi, des plaques métaliques couvertes d’une mince couche de bitume étaient exposées à la lumière au-dessous de l’estampe à reproduire. Après leur développement avec un solvant, on pouvait y voir les négatifs des trames linéaires des gravures[1]. Ces plaques, après avoir été attaquées par un acide, constituaient des matrices calcographiques avec lesquelles on imprima les prémieres héliogravures. Niépce réalisa aussi des images qu’il ne grava pas et qui reçurent le nom d’héliographies [2]. Bien que leur qualité ne soit pas excellent, les images obtenues par Niépce sont de véritables photographies et des héliogravures de plein droit, et démontrent l’unité d’origine des deux champs d’élaboration d’images.
On essaya pour quelque temps avec le bitume de Judée [3] ; et aussi avec des éléments daguerréotypiques comme l’iode, le mercure et l’argent. Cependant tous ces procédés furent écartés au moment où on commença à utiliser les sels du chrome associées avec certains colloïdes [4]. Cette combination de matériaux ouvrit d’importantes voies de recherche et provoqua l’apparition de nombreux systèmes.
Fox Talbot
Le britanique William Henry Fox Talbot
(1800-1877) est la principale personnalité de la recherche photomécanique. C’est
lui qui établit les bases qui conduisirent au développement et perfectionnement
des divers procédés hélio-calcographiques. Sa motivation provenait probablement
autant des problèmes de production et stabilité de son œuvre The Pencil of Nature (1844-46) que de
ses connaissances sur la morsure de daguerréotypes. Ses contributions
essentielles furent : l’application de sa méthode calotypique
–négatif-positif– pour créer autant le cliché que l’image ;
l’utilisation d’un colloïde dichromaté pour fabriquer la matrice
d’impression ; l’utilisation de trames pour structurer la matrice
imprimante et produire des arées de tonalité consistant dans l’image ; et
l’utilisation du perchlorure à travers la gélatine pour la morsure du cuivre. Ces
apports, déjà présents avec ses deux procédés photoglyphiques [5] ont été les piliers de
l’héliogravure et de l’industrie photomécanique traditionnelle.
Poitevin
Le chimiste français Alphonse-Louis Poitevin
(1819-1882) est un autre personnage clef de notre procédé. Pionnier en
l’utilisation des colloïdes bichromatés, en 1855 il breveta deux procédures –l’hélioplastie et la phototypie– qui lui rapportèrent d’importantes distinctions et qui
determinèrent de nombreux systèmes de
travail. Poitevin breveta, en même temps que ces
procedures-là, le premier processus photographique au charbon. Avec lui, l’image
se formait grâce à la disolution partielle, dans l’eau chaude, d’une couche de
gélatine pigmentée, exposée à la lumière à travers d’un cliché négatif. Le procédé
au charbon de Poitevin ne rendait pas bien les démi-teintes mais, en 1864,
Joseph Wilson Swan (1828-1914) solutionna ce problème au moyen d’une
amélioration qu’il dénomma carbon
transfer process et qui fut décisive pour le procédé final d’héliogravure.
Klíč
Celui qui trouva la clef et qui établit le
procédé d’héliogravure fut l’illustrateur, photographe et inventeur bohémien
Karel Václav Klíč (1841-1926). Il eut l’idée géniale de combiner la photoglyphy de Talbot (qui ne rendait
pas de très bonnes images) avec le procédé au charbon par transfert de Swan. De
cette façon il obtint, en 1879, des matrices d’héliogravure d’une très grande
qualité. La nouvelle procédure fut très bien acueillie et d’importants
impresseurs internationaux acquirent bientôt les droits pour l’exploiter dans
leurs divers pays. Ultérieurement, Klic adapta son procédé à la production
industrielle parmi l’emploi de cylindres pour l’impression rotative. Avec
l’établissement en 1890 de la rotogravure
[6] et ses postérieures
améliorations, le développement de la photomécanique basée sur la chimie arriva
à son sommet, et l’emploi de l’héliogravure se généralisa pour la photogravure
en creux sur la plaque ou la rotative.
[1] La plus célebre est, probablement, le Point de vue dés
la fenêtre du Gras (1826).
[2] La plus connue de ces images est le portrait de Georges
d’Amboise (1826), qui fut cardinal de Reims vers 1650, dessiné par Isaac Briot.
[3] En 1854, Nièpce de Saint Victor avait perfectionné la
procédure de son oncle Nicéphore Niépce en appliquant le bitume très mincement
et en mordant la plaque, en acier, avec l’acide nitrique et l’alcool après
avoir appliqué un grainage de rosin. Voir la description au chapitre « Gravure
héliographique sur acier et sur verre » (Niépce, 1855).
[4] On dénomme colloïdes certaines substances organiques
telles que les colles, les gélatines et les gommes.
[5] Les deux versions de la photoglyphy furent brevetés par Talbot en 1852 et 1858.
[6] La rotogravure devint immediamment un repère de qualité
dans le champ des arts graphiques. En Espagne, son nom traditionnel est ce de huecograbado ; son emploi le plus
connu se produit dans la presse quotidiénne : ABC, La Vanguardia, Ahora,
El Debate ; à Valence, le journal Las Provincias l’incorpora en janvier
1931.
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